Nièce de deux papes et vivant dans leur intimité, Catherine circulait librement dans le Vatican, dont les cours et les jardins servaient alors de musée aux chefs-d'œuvre retrouvés de la sculpture antique: le Laocoon, le Torse, l'Apollon du Belvédère, etc. Elle a vu de ses yeux curieux d'enfant resplendir en leurs fraîches décorations sur les murs des chapelles et des appartements les sujets sacrés ou quelquefois profanes traités par les peintres du Quattrocento et du Cinquecento. Elle a regardé au plafond de la Sixtine la fameuse fresque où Michel-Ange a raconté, avec une grandeur et une poésie surhumaines, l'histoire du monde, de la Création jusqu'au Déluge et jusqu'à la conclusion d'une nouvelle alliance entre Dieu et sa créature en faveur des mérites de Noé. Elle a parcouru le long des «Loges» la Bible que Raphaël et ses élèves y ont illustrée, et dans les «Chambres» la succession des grands panneaux allégoriques, où le maître a distribué en groupes harmonieux autour du Christ, d'Apollon, de Platon et d'Aristote, et comme proposé ensemble à l'admiration de la Chrétienté, les saints de l'Ancien Testament, les docteurs de la nouvelle loi, les philosophes de l'antiquité avec des savants, des hommes d'État, des artistes et les plus grands poètes de tous les âges.
De cette Rome des papes, qui s'harmonisait si bien avec la Rome des Césars, Catherine a eu plusieurs années le spectacle. Le sac de Rome n'en avait pas sensiblement altéré l'aspect. Les soudards de l'armée impériale avaient saccagé les palais et les églises, transformé en étables les plus belles chambres du Vatican et la chapelle Sixtine, enfumé les fresques, emporté les trésors d'orfèvrerie, dépouillé les autels, détruit ou volé nombre de tableaux, mais les édifices restaient debout et Clément VII, aussitôt rentré à Rome, avait employé à réparer le mal, autant qu'il était réparable, les artistes qui avaient échappé à la catastrophe, restaurant les palais, rafraîchissant les peintures et purifiant les églises. Malgré les dévastations de ces nouveaux Vandales, la jeune fille quitta Rome les yeux pleins d'une vision de grandeur.
Ce que Florence avait de différent de Rome:
Catherine doit encore à sa ville natale une conception plus large de l'art. Le milieu florentin a résisté ou échappé à cet excès d'idéalisme qu'a provoqué ailleurs la superstition de l'antiquité. Le quattrocento où il a donné sa mesure et produit ses chefs-d'œuvre est une époque de sincérité et de spontanéité plus que d'inspiration savante ou de recherche éperdue de la perfection. Il ne s'est pas détourné de la réalité par dégoût de ses tares; il a embelli sans affadir. Michel-Ange est un génie isolé, qui, par delà les âges chrétiens, retrouve et traduit la grandeur de la vieille Rome et l'ardente poésie d'Israël. Léonard de Vinci, interprète pénétrant de l'âme et qui excelle à représenter en beauté sensible sa grâce et sa morbidesse, échappe lui aussi à l'influence du milieu et du temps. Mais la plupart des Florentins sont de leur temps et de leur pays. Masaccio, Ghirlandajo, Botticelli, pour n'en citer que quelques-uns, sont les peintres véridiques de la vie et de la figure florentine. Benozzo Gozzoli, dont Catherine voyait l'éclatante fresque à la messe dans la chapelle de son palais, avait représenté le fils et le petit-fils de Côme l'Ancien, Pierre et Laurent, l'empereur d'Orient, Jean Paléologue, le patriarche de Constantinople, Joseph, tels que Florence, lors du célèbre concile de 1439, les avait vus passer en procession solennelle, avec leurs costumes éclatants d'or et de pierreries, montés sur des chevaux richement harnachés et suivis d'une troupe somptueuse de serviteurs, de soldats et de clients. Plus réalistes encore sont, à quelques exceptions près, les sculpteurs florentins de la même époque, Verrocchio, Donatello, etc., qui avaient peuplé d'images l'intérieur ou les façades des églises et des palais. Beaucoup de monuments étaient debout dont Vitruve, le théoricien consultant de la Renaissance, avait ignoré la forme. Le Palazzo Vecchio, avec son beffroi à mâchicoulis d'où Alexandre venait de faire descendre la cloche qui sonnait les assemblées du peuple (12 octobre 1532), rappelait probablement de trop mauvais souvenirs à Catherine pour qu'elle fût sensible à sa grandeur sévère, mais l'avenir prouvera qu'elle a aimé, en la gaieté de leurs marbres polychromes, Santa Maria del Fiore, le Campanile et le Baptistère. Ce que Florence a de différent de Rome et de l'antiquité a laissé son empreinte dans l'imagination de la jeune fille.
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Le soir,
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Clément VII avait à Marseille promis au Roi «par instrument authentique» «trois perles d'inestimable valeur», Naples, Milan et Gênes70, mais il est certain qu'il n'a pris aucun engagement de ce genre. Il avait même peur qu'on l'en crût capable. Aussitôt après son retour à Rome, il s'empressa de confier à l'agent du duc de Milan qu'au grand mécontentement de François Ier, il avait repoussé l'idée d'une attaque contre le Milanais. Il fit même avertir l'Empereur que le Roi lui avait dit que, non seulement il n'empêcherait pas la venue du Turc, mais qu'il «la procurerait». Cependant François Ier, escomptant les belles paroles de Clément VII, fit au commencement de 1534 de grands préparatifs d'entrée en campagne. Il publia les droits de son fils sur le duché d'Urbin, poussa le landgrave de Hesse à reprendre les armes contre l'Empereur, et se concerta avec Khairedin Barberousse, qui venait de s'emparer de Tunis. Une mort prématurée, si fréquente chez les Médicis, dispensa le Pape de prendre parti (25 septembre 1534). Mais s'il eût vécu, il avait trop de raisons de manquer à sa parole; il savait ce que lui avait coûté en 1527 sa ligue italienne contre Charles-Quint. Il avait d'ailleurs avantage à tenir la balance égale entre les deux monarques rivaux et à leur vendre au plus haut prix ses promesses et ses signatures. En négociant des deux côtés, il avait fait de son neveu un duc héréditaire de Florence et le gendre
de l'Empereur, et de sa nièce la bru [princess]du Roi de France.
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